LE CONTRAT ECRIT : UNE OBLIGATION LEGALE ET DEONTOLOGIQUE
En vertu des dispositions du Code de la santé publique et du Code de déontologie, il doit être obligatoirement établi un contrat écrit entre une clinique et un médecin y exerçant régulièrement.
Ce contrat et tous ses avenants doivent être obligatoirement communiqués au Conseil départemental de l'Ordre dont le médecin relève afin qu’il puisse exercer son contrôle au plan déontologique (respect de l’indépendance du médecin, interdiction des « clauses de rentabilité », respect du secret professionnel, etc.).
Le contrat d'exercice doit aboutir à un équilibre entre les droits et devoirs de chaque partie, entre leurs intérêts respectifs.
Au regard de ces principes, chacun comprendra l'importance d'une rédaction aussi claire et précise que possible, évitant les formules ambiguës, contradictoires voire incohérentes.
LE CONTRAT VERBAL
En l’absence de contrat écrit, depuis longtemps, la jurisprudence admet et reconnaît qu'il peut se former néanmoins un contrat verbal, sui generis, à durée indéterminée avec des obligations réciproques entre le médecin et la Clinique.
En cas de contentieux sur l’exécution et la rupture d'un contrat verbal, la juridiction se référera, en l'absence de clause écrite, aux usages de la profession tels que fixés notamment par le contrat type de l'Ordre national des médecins.
Contrairement à une idée reçue, l'absence de contrat écrit ne signifie donc pas la liberté totale de faire ce que l’on veut, de partir quand on le veut et de ce fait, il est toujours préférable de disposer d’un contrat écrit qui fixe clairement, à l’avance, les obligations de chacun.
CONTRAT TYPE ET CONTRAT NEGOCIE
Le contrat type de l’Ordre des médecins a le mérite de fixer un cadre général de référence mais ne saurait répondre aux adaptations nécessaires éventuelles selon chaque situation, chaque spécialité, chaque mode d’exercice, de même pour les contrats type également des groupes de Cliniques…
Il rappelle les clauses de base devant figurer dans un contrat, sans garantie particulière.
D'autres clauses sont laissées évidemment à la libre discussion entre les parties selon les situations.
Il s'agit par exemple des clauses relatives notamment :
à sa durée (un contrat à durée indéterminée est résiliable unilatéralement même sans motifs à l’initiative de chaque partie, pas un contrat à durée déterminée sauf exceptions contractuellement prévues),
à l'exclusivité ou à l'exercice privilégié,
à la cessibilité ou au droit de présentation,
à l'indemnité de rupture,
à la clause limitative de réinstallation,
aux modalités de rupture et de préavis ,
modalités de facturation des prestations de la clinique et lesquelles ?
etc.
ATTENTION : Il convient de rappeler que l'exercice au sein d'une société d'exercice libéral ou d'une SCP n'est pas compatible avec la signature d'un contrat d'exercice individuel avec une clinique ….
CE QU’IL FAUT SAVOIR AVANT
Avant de négocier et signer un contrat, il est indispensable de pouvoir connaître les contrats liant les médecins de même spécialité à la clinique et, si l'on doit signer dans le cadre d'une succession, de connaître le contrat de celui auquel on succède ou sinon les contrats des associés qu’on rejoint : cela permet d'évaluer ses marges de négociation et d'éviter d'ouvrir des discussions sur des dispositions communes et acceptées, en l'état, par tous les autres médecins et qui sont toujours susceptibles de modifications ultérieurement (exemple : dispositions sur les redevances).
PAYER OU PAS PAYER ?
Même de nos jours, le rachat de droits d'exercice professionnel ou le paiement d'un droit de présentation peuvent se justifier lorsqu'il y a une réelle valeur en contrepartie et des garanties contractuelles (type exclusivité ou contrat de groupe par exemple) des modalités de présentation à la patientèle et des perspectives d'activité pérenne de l'établissement etc…
CE QU’IL FAUT FAIRE AVANT
Il est préférable de communiquer le projet de contrat qui vous est soumis à l’Ordre avant de le signer de manière à pouvoir vous appuyer sur les observations et recommandations de l’Ordre des Médecins pour le mettre en conformité avant signature.
Les termes d’un contrat d’exercice professionnel écrit serviront toujours de référence en cas de conflit avec l’établissement.
Tout contrat prévoit normalement une procédure de conciliation préalable à l’engagement de tout contentieux dont il conviendra de respecter les modalités si l’on ne veut pas voir son action en justice déclarée irrecevable.
La signature d'un contrat d’exercice avec une clinique et/ou des confrères souvent en parallèle, est sans doute l'un des actes juridiques les plus importants que souscrit un médecin dans l'exercice de sa profession : il scelle ses droits et devoirs envers une clinique et conditionne, par ses garanties réelles ou illusoires, son avenir professionnel.
En l'espèce, tant les situations sont diverses qu'il ne peut y avoir de « prêt à porter », mais que du « sur mesure ». C'est pourquoi tous les contrats types ne sauraient dispenser le médecin de prendre conseil et assistance juridique d'un avocat spécialisé qu’il vaut mieux, il faut malheureusement le rappeler, consulter avant de signer plutôt …. qu’après !
PRINCIPES
Une clinique est en droit de facturer au médecin les prestations et services qu’elle lui fournit personnellement et qui ne lui sont pas rémunérés par ailleurs, que ce soit par les Caisses de sécurité sociale ou le patient lui-même. C’est ce qui est appelé communément la « redevance » bien que ce terme faisant penser à une taxe parafiscale sur le travail soit inapproprié.
LES PRESTATIONS FACTURABLES
Les prestations et services normalement facturables au médecin exerçant en Clinique sont le recouvrement et la gestion des honoraires, toutes les prestations et services relatifs à son activité de consultations dans la mesure où son Cabinet y est implanté.
Le médecin doit payer à la Clinique ce qu’il aurait dû normalement payer s’il avait son Cabinet en dehors de celle-ci (personnel de secrétariat, informatique, téléphonie, papeterie et évidemment locaux et leurs charges etc ....).
Les aide-opératoires, IADE et d'une manière générale tout personnel attaché personnellement au praticien et dont la rémunération est normalement comprise dans ses honoraires, sa cotation CCAM, sont refacturables s'ils sont mis à disposition par la clinique (ce qui surenchérit leur cout de la TVA à 20%...).
Le personnel affecté aux installations, plateau technique ainsi que le matériel conforme aux normes réglementaires et aux règles de l'art ne sont pas facturables au médecin car rémunérés par la Sécurité Sociale au titre des GHS, GHM ou autres forfaits facturés par la Clinique.
Un matériel innovant non encore considéré comme un Gold standard peut donner lieu à discussion entre le médecin et la clinique quant à son coût et sa maintenance ....
Il y a des prestations communes à tous les praticiens de la Clinique qui peuvent être mutualisées (gestion et recouvrement des honoraires par ex) et il peut y avoir des prestations spécifiques à telle ou telle spécialité ou mode d’exercice.
COMMENT EST FACTUREE LA REDEVANCE ?
La redevance peut être fixée, exclusivement par commodité de gestion comptable, en pourcentage des honoraires secteur 1 perçus sur bordereau S3404 ou d’une manière forfaitaire.
L'assiette de calculs peut comprendre les dépassements d'honoraires si ceux-ci sont récupérés par le personnel de la Clinique...
En pourcentage ou forfaitaire, elle doit toujours faire l’objet normalement d’une révision annuelle en fonction du coût réel et moyen justifié, par la Clinique ; des prestations et services qu'est censée rémunérer la redevance.
En effet, toute redevance qui ne correspond pas au coût réel, moyen et justifié, des prestations et services fournis, qui serait excessive, constituerait un partage d’honoraires illicite, prohibé par la loi, une dichotomie.
Il s'agit d'une prohibition d'ordre public qui a pour but de sauvegarder l'indépendance du médecin ...
C'est pourquoi tout pourcentage ou somme forfaitaire prévue à ce titre dans un contrat est toujours susceptible de modification .... en fonction du coût moyen réel et justifié par la Clinique régulièrement, spontanément ou sur demande de justification des médecins .
Si une redevance excessive, dissimulant un partage d'honoraires illicite, est impossible, à l'inverse une Clinique pour des raisons d'attractivité peut décider de prendre à sa charge des prestations normalement facturables aux médecins, il faut que cela soit prévu par écrit, contractualisé car en l’absence, le médecin demeure à la merci d'un revirement en faveur de l'application d'une application stricte des règles de facturation .... le verbal s'envole au moindre souffle contraire ….
COMMENT REGLER SA REDEVANCE ?
De même que les honoraires sont la propriété des médecins, de même ils doivent rester maitres du paiement de la redevance par leurs soins sur facture.
Il faut absolument refuser le paiement par prélèvement à la source sur les honoraires perçus normalement sur le compte mandataires -Honoraires médicaux, tenus par des médecins qui ne reçoivent mandat que des médecins et non pas de la Clinique qui leur met simplement à disposition pour ce faire personnels et moyens matériels ou informatique.
Ce mandat est toujours révocable unilatéralement et les mandataires honoraires sont tenus de respecter les instructions données sous peine de détourner abusivement des sommes qui ne leur appartiennent pas ...Le compte bancaire honoraires doit toujours être distinct de celui de la clinique pour éviter toute confusion d'actifs...
Certaines CME ont créé association ou GIE pour la gestion et le recouvrement des honoraires pour en diminuer les coûts et éventuellement par leur placement disposer d'une trésorerie ...
On rappellera enfin que tout médecin est en droit de se faire régler directement par la Caisse pivot de sécurité sociale s'il le souhaite.
UNE REDEVANCE CA SE REDISCUTE ?
Il est extrêmement difficile pour un médecin s’installant en Clinique de rediscuter les modalités de facturation de la redevance et il lui appartient de vérifier que celles-ci sont identiques à celles de ses confrères pour les prestations communes et des collègues de même spécialité…
Ce qu’il faut retenir, c’est que la redevance fixée en pourcentage dans un contrat constitue une des seules dispositions contractuelles éventuellement révisable par la suite s’il se révèle que la Clinique n’est pas en mesure de justifier un coût réel des prestations et services fournis ce qui induit que la redevance facturée dissimule en réalité un partage d’honoraires illicite.
ET S’IL N'Y A PAS D'ACCORD ?
Tout contentieux éventuel concernant la redevance doit être mené par l’ensemble des médecins de la Clinique pour les prestations communes, par l'entremise de la CME, de la spécialité pour les prestations spécifiques ou en cas d'inaction de la CME pour les prestations communes, et surtout pas de façon individuelle.
Toute volonté de rediscuter de la redevance facturée suppose d'être préparé avec un conseil spécialisé connaissant la jurisprudence et les textes applicables lesquels sont maintenant parfaitement établis en cette matière.
La première des étapes sera de planifier une stratégie permettant l'ouverture de négociation et d'éviter justement une procédure contentieuse en tout cas à l'initiative des médecins ...car faute de justifications par la Clinique, il lui appartiendra de prouver sa créance ! C'est ce qu'a encore rappelé récemment la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation le 15 juin 2022.