Une grande liberté de choix des structures d’exploitation en commun entre un hôpital public et des professionnels libéraux sont permises :
- Groupement de Coopération Sanitaire - GCS
- Groupement d’Intérêt Economique - GIE - Groupement d’intérêt Public - GIP
- Convention
Le présent article a pour seul but de comparer les deux groupements de coopération que sont le GIE et le GCS afin de permettre aux médecins libéraux d’être plus éclairés dans leur choix. En effet, la convention est un contrat dans les clauses sont négociées de gré à gré, sans environnement juridique par trop contraignant et le GIP est peu utilisé car plus lourd dans son fonctionnement et moins adapté à une coopération relative aux soins.
S’agissant du Groupement de Coopération Sanitaire, il est rappelé les termes de l’article L 6133-3 du Code de la Santé Publique qui dispose :
« I.- Le groupement de coopération sanitaire de moyens peut être constitué avec ou sans capital. Sa convention constitutive, signée par l'ensemble de ses membres, est soumise à l'approbation du directeur général de l'agence régionale de santé, qui en assure la publication.
Ce groupement acquiert la personnalité morale à dater de cette publication.
1. Le groupement de coopération sanitaire de moyens est une personne morale de droit public lorsqu'il est constitué exclusivement par des personnes de droit public, ou par des personnes de droit public et des personnes physiques ou morales exerçant une profession de santé à titre libéral.
2. Le groupement de coopération sanitaire de moyens est une personne morale de droit privé lorsqu'il est constitué exclusivement par des personnes de droit privé.
Dans les autres cas, sa nature juridique est fixée par les membres dans la convention constitutive.
Les modalités d'évaluation des apports ou des participations en nature sont déterminées par décret en Conseil d'Etat.
II. ― Le groupement de coopération sanitaire de moyens peut être employeur ».
Ainsi, il est désormais impossible de créer des Groupements de Coopération Sanitaire de droit privé lorsqu’une personne morale de droit public et des professionnels de santé libéraux se regroupent ensemble pour coopérer.
Ce premier constat entraine des obligations majeures qui font la différence entre GIE et GCS - La soumission du GCS aux règles de la comptabilité publique et l’obligation d’être doté d’un agent comptable public nommé par arrêté du ministre en charge du budget (L 6133– 5 et R 6133-4 du CSP) - Il n’est pas possible de répartir le résultat excédentaire du GCS entre les membres ; les résultats doivent être obligatoirement affectés lors de la clôture de l’exercice.
- L’obligation de recourir aux marchés publics pour l’achat du matériel et ce, en vertu de l’article 10 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics. - Sur l’intervention des médecins libéraux :
Outre, la participation des médecins libéraux à la permanence des soins, prévue généralement dans les deux types de structures, le GCS peut permettre à l’hôpital d’imposer aux médecins libéraux d’intervenir auprès des patients hospitaliers, non plus seulement sur leurs vacations, mais également sur les vacations de l’hôpital. Les praticiens ne sont plus alors rémunérés par la Caisse d’Assurance maladie mais par l’hôpital en vertu d’un contrat spécifique conclu entre l’établissement et le médecin libéral.
Dans le cadre d’un GIE, le praticien libéral n’intervient auprès des patients hospitaliers que sur ses vacations et si sa rémunération à l’acte est encadrée puisqu’elle doit être exclusivement basée sur les tarifs des honoraires définis par les conventions nationales, il perçoit ses honoraires directement de la caisse. Il peut être prévu une rémunération forfaitaire pour la permanence des soins.
Dans le cadre du GIE, le praticien libéral peut aussi intervenir sur les vacations de l’hôpital mais à condition de conclure un contrat de participation aux soins (article L 6146-2 du CSP) qui prévoira une redevance pour rémunérer les moyens humains et matériels mis à sa disposition.
Pour les GCS exclusivement, des modalités de suivi de l’activité des professionnels médicaux libéraux, le nombre maximum de périodes de permanence de soins assurée par les médecins libéraux doivent être expressément précisées.
Ces différences font que le recours à un GSC de moyens est désormais plus problématique pour les professionnels de santé libéraux, mais également pour les hôpitaux car la lourdeur administrative peut également constituer un obstacle pour ces derniers.
Sous ces observations fondamentales, il convient de noter que les statuts tant d’un GCS que d’un GIE ont une grande liberté de rédaction et que les conventions peuvent être sensiblement les mêmes au titre de :
ð La gouvernance (assemblées générales et gérance)
ð L’adhésion,
ð Le retrait d’un membre
ð Les droits et obligations des membres qui doivent dans l’un et l’autre cas, prévoir que les droits statutaires des membres sont proportionnels à leurs apports ou à leur participation aux charges de fonctionnement et l’engagement des membres à participer activement aux objectifs du GCS ou du GIE et enfin, la possibilité, dans les GCS, de se voir proposer des missions complémentaires visant au bon fonctionnement du GCS, ce qui n’est pas le cas dans le GIE où tout doit être renégocié ; la responsabilité des dettes du groupement à proportion de la contribution des membres au capital social.
ð Responsabilité et assurances
ð Fonctionnement :
Description des modalités de la coopération entre les professionnels et l’hôpital.
ð Les modalités de mise à disposition des biens.
ð Modalités d’intervention des personnels :
Dans le GCS, le personnel hospitalier peut être mis à la disposition du groupement, il ne s’agit que d’un prolongement de son activité.
Dans le GIE, le personnel hospitalier peut, aux termes de l’ordonnance n° 2017-28 du 12 janvier 2017 relative à la constitution et au fonctionnement des groupements de coopération sanitaire, également être mis à la disposition du Groupement.
Les salariés des médecins libéraux peuvent également être mis à la disposition du Groupement, dans le cadre d’un prêt de main d’œuvre qui est très encadré par la loi (article 8241-2 du cde du Travail) et doit correspondre à une tache préalablement et clairement définie.
Dans les deux cas, la mise à disposition d’un personnel public ou privé, à un GIE ou à un GCS , ne doit pas avoir un but lucratif et doit donc doit être faite au prix coutant sans marge et correspond à des charges de la structure.
Enfin le GCS et le GIE peuvent recruter directement du personnel, lequel pourra avoir un statut différent selon le cas.
ðModalités de rémunération des membres :
Le forfait technique est perçu par la structure mais, une fois apurées les charges, le surplus est reversé au membre qui l’a généré. Les membres perçoivent directement la rémunération de leurs actes intellectuels respectifs réalisés sur les patients externes ou hospitalisés.
ðDissolution de la structure
En conclusion :
Pour les médecins libéraux, la structure du GCS est beaucoup plus contraignante en termes de gestion courante (comptabilité publique- marchés publics) et d’obligations et le GIE devra être préféré .
Si la responsabilité des professionnels de santé reste une responsabilité personnelle, la prise en charge collégiale des patients est de plus en plus courante et peut être à l’origine d’un partage de responsabilité.
Les faits :
En l’espèce une patiente était adressée par son médecin traitant à un gastroentérologue en raison de pesanteur douloureuse épigastrique.
Après plusieurs consultations, le Dr GASTRO1 posait une indication de CPRE pour une patiente de 89 ans présentant un ictère avec dilatation des voies biliaires diffuse non étiqueté Bili-IRM.
Il confiait avant tout la patiente à son associé le Dr GASTRO2 pour réalisation d’une écho-endoscopie préalable.
Le Dr GASTRO1 informait la patiente des risques de la CPRE et renouvelait cette information lors de son admission au sein de l’établissement de santé.
Le 09 janvier 2019, le Docteur GASTRO 2 pratiquait une écho-endoscopie et notait dans son compte rendu :
« dilatation majeure des voies biliaires intra et extra hépatiques sur un obstacle lithiasique enclavé dans le bas cholédoque ».
Les suites post opératoires immédiates étaient marquées par l’apparition de douleurs abdominales et une oxygénothérapie nasale était mise en place.
Le Dr GASTRO 2 examinait la patiente à 19h45 et était appelé vers 22 heures en raison de la persistance des douleurs, justifiant la prescription de 5 mg de morphine.
Le 10 janvier 2019, la patiente était réexaminée par le Docteur GASTRO 2 aux alentours de 8 heures du matin, qui notait un abdomen tendu et sensible et évoquait immédiatement une perforation post écho-endoscopie, justifiant une demande de scanner abdominal en urgence qui sera réalisé à 9 heures.
Une antibiothérapie à large spectre était prescrite dès 8h10, et mise en place aux alentours de 10 heures.
Le scanner confirmait la perforation située au niveau du deuxième duodénum et d’un épanchement.
Un traitement médical était mis en place compte tenu de la localisation de cette perforation en rétro-péritonéale et de l’âge avancé de la patiente.
Le Docteur GASTRO 2 indiquait qu’il n’existait à ce stade aucun signe de gravité sur le scanner, même si la patiente devait bénéficier d’une surveillance en USC.
La réalisation de la CPRE était bien évidemment annulée par le Dr GASTRO 1 qui passait cependant régulièrement au chevet de la patiente.
Le 11 janvier 2019, le Docteur GASTRO 2 examinait la patiente aux alentours de 8 heures du matin et constatait une amélioration de sa symptomatologie douloureuse, avec un abdomen plus souple, quelques bruits à l’auscultation, mais néanmoins une patiente confuse.
Un sondage était réalisé permettant de constater une amélioration.
Le Docteur GASTRO 1, passant prendre des nouvelles de sa patiente, préconisant un arrêt de l’Acupan.
Le 11 janvier 2019 à 21H30, le Docteur GASTRO 2 était appelé en raison d’un état d’agitation et d’une désaturation.
La patiente était ainsi admise en soins continus pour choc septique et devait malheureusement décéder le 12 janvier.
Les griefs :
La fille de la patiente, n’ayant par ailleurs eu le temps de revoir sa mère avant son décès, déposait une demande d’indemnisation devant la CCI, mettant en cause les 2 gastroentérologues.
Une expertise était confiée à un collège d’expert composé d’un gastroentérologue et d’un infectiologue puis dans un second temps un avis sapiteur était sollicité auprès d’un chirurgien digestif.
La plaignante reprochait aux professionnels de santé, une mauvaise indication, une information insuffisante, la perforation survenue et une mauvaise prise en charge.
Le rapport d’expertise :
Les experts ont validé l’indication qui avait été posée et l’information délivrée pour la CPRE par le Dr GASTRO1, comprenant le risque de perforation.
S’ils ont qualifié la complication survenue d’accident médical non fautif, ils ont néanmoins considéré que la prise en charge de celle-ci n’avait pas été conforme aux règles de l’art.
Selon eux :
« le diagnostic de la perforation digestive post endoscopie a été évoqué par l’examen clinique puis confirmé par la réalisation d’un scanner. Le diagnostic a été conduit conformément aux règles de l’art.
Le traitement de la perforation digestive post-endoscopie n’a pas été conduit conformément aux règles de l’art. Une discussion médico-chirurgicale collégiale de la prise en charge chirurgicale aurait dû être réalisée avec une confrontation des risques bénéfices compte tenu de l’âge, de l’avis de la patiente et de la famille. Ceci n’a pas été réalisé. »
Bien que la complication soit survenue au décours du geste réalisé par le Dr GASTRO2, les experts ont retenu un partage de responsabilité entre les Drs GATRO 1 et GASTRO 2 au titre d’une perte de chance d’éviter le décès, évaluée à 35%.
L’avis de la CCI :
Ce rapport d’expertise a été contesté devant la CCI qui a suivi notre argumentation et a considéré au terme de son avis en date du 16 janvier 2020 :
« …la commission considère qu’en l’espèce il n’est nullement établi qu’une reprise était réellement indiquée et préférable à la voie suivie par les praticiens en cause, en considération notamment de l’âge de la patiente et des risques propres à une intervention de reprise. Certes le fait de ne pas demander d’avis chirurgical est critiquable, mais ce seul fait ne permet pas de retenir en l’espèce l’existence d’une abstention fautive constitutive d’une perte de chance d’éviter l’évolution défavorable de la complication.
Dès lors, il convient de retenir que Madame BELAY a été victime d’un accident médical non fautif indemnisable par l’ONIAM au titre de la solidarité nationale. »
Conclusion
Ce dossier illustre une nouvelle fois la position aujourd’hui retenue par les experts et un nombre croissant de juridictions dans l’hypothèse d’une continuité des soins assurée par différents médecins et surtout, la nécessité d’adopter une défense commune et cohérente de l’équipe.
Il est à noter que les deux gastroentérologues, assurés par l’intermédiaire de deux compagnies d’assurance distinctes - et donc défendus séparément - ont dans un premier temps envisagé une défense personnelle, centrée exclusivement sur leur prise en charge.
Le Dr GASTRO 1 s’étonnait notamment de sa mise en cause dans ce dossier, considérant que la complication étant en lien avec le geste réalisé par le Dr GASTRO 2, seule sa responsabilité était susceptible d’être discutée.
Le Dr GASTRO 2 considérait pour sa part qu’une prise en charge collégiale était intervenue avec le Dr GASTRO 1 qui n’avait pas plus que lui estimé nécessaire de solliciter un avis chirurgical.
L’axe de défense principal retenu a cependant été la défense commune et la contestation des conclusions expertales sur la nécessité d’une reprise chirurgicale et ses éventuelles conséquences.
En effet, si le Dr GASTRO 1 n’a effectivement pas accompli d’acte technique, il a néanmoins participé à la prise en charge de cette patiente comme en attestent ses passages au chevet de la patiente tracés au dossier.
C’est sur la base de ces éléments que les experts ont considéré qu’il aurait pu solliciter un avis chirurgical au même titre que le Dr GASTRO 2.
Il est en effet fréquent que les experts reprochent aux praticiens l’absence de discussion collégiale qui aurait permis, selon eux, de rectifier ou de mettre en évidence plus rapidement un diagnostic de complication et de traitement et imputent globalement à l’ensemble des praticiens une part de la perte de chance qui est finalement retenue.
Si en l’espèce, nous avons pu mettre hors de cause les 2 gastroentérologues en démontrant qu’une reprise chirurgicale ne s’imposait pas et qu’il était difficile d’établir une quelconque perte de chance, notre arme de défense la plus efficace reste là encore, la traçabilité dans le dossier de chacun des passages, des constatations cliniques et des discussions collégiales qui ont pu survenir selon le cas d’espèce.